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REVISTA BIBLIOGRÁFICA DE GEOGRAFÍA Y CIENCIAS SOCIALES
(Serie  documental de Geo Crítica)
Universidad de Barcelona 
ISSN: 1138-9796.
Depósito Legal: B. 21.742-98 

Vol. IX, nº 551, 10  de diciembre de 2004

DECLARATION DE GUADALAJARA SUR L’AVENIR DE LA VILLE. PROPOSITION

Horacio Capel
Universidad de Barcelona

[Traduction Juliette Lemerle]


 

1.- Les trois quarts de la population mondiale vivent désormais en milieu urbain. La Pantopolis universelle n’est plus très loin. Les problèmes de la ville de demain sont ceux de l’Humanité de demain.

2.- La ville est à la fois urbs, civitas et polis. L’urbanisme doit prendre en compte ces trois dimensions et ne pas se limiter à l’aspect physique.

3- La responsabilité de l’urbanisme a jusqu’à maintenant été attribuée aux architectes et aux ingénieurs. S’il faut leur accorder le mérite des bons résultats obtenus, ils doivent aussi répondre des conséquences négatives de leurs interventions.

4.- Il n’y a rien de pire qu’un bon architecte quand il se trompe ; si de surcroît il est mauvais, les conséquences peuvent être irréversibles.

5.- Certains architectes de renom affirment que 80 % d’entre eux sont des incapables et que 90 % de ce qui a été conçu et construit ne vaut rien. Cette affirmation devrait être considérée comme une hypothèse digne d’une investigation scientifique.

6.- L’urbanisme n’emploiera pas en vain les termes « durable », « écologique » ou « paysage ». Les architectes feront l’objet d’une attention toute particulière. Ceux qui parleront d’obsolescence et affirmeront que leurs ouvrages sont des « espaces métaphysiques », « en dialogue avec », etc., seront désavoués. Les interventions prétendument « désinhibées », « audacieuses », informelles » ou « amusantes », ou alléguant la « liberté artistique » pour détruire la trame urbaine ou la structure des bâtiments existante seront systématiquement rejetées.

7.- Les architectes doivent être en mesure de « conceptualiser, mais aussi de mettre en pratique toute construction qui réponde aux besoins des êtres humains, et doivent tout mettre en œuvre pour les rendre belles »; autrement dit, ils doivent viser l’idéal formulé par Alberti au XVème siècle.

8.- Il n’y a pas d’esthétique sans étique.

9.- L’urbanisme a jusqu’à maintenant été élaboré et imposé par le haut. Il faut en créer un complètement nouveau qui parte du bas.

10.- Le dialogue est essentiel. Il faut se méfier de l’arrogance des techniciens qui prétendent avoir le monopole du savoir.

11.- Les techniciens et les hommes politiques doivent être au service des besoins et des demandes des citoyens.

12.- Les remarques faites à l’article 2 du présent manifeste induisent qu’il est nécessaire que l’urbanisme ne concerne plus seulement les architectes et les ingénieurs, comme c’est le cas aujourd’hui. En effet, les problèmes urbains sont d’une nature telle qu’ils requièrent l’intervention de spécialistes d’horizons différents.

13.- Il faut modifier les normes urbanistiques pour que les citoyens participent davantage au dialogue.

14.- Il faut donner la parole aux mouvements sociaux. La participation doit devenir l’instrument fondamental de l’urbanisme, pour garantir le débat public et donc le contrôle des décisions qui sont prises.

15.- Les habitants de la ville doivent être traités comme des citoyens et non comme des clients. Ceux qui ne payent pas leurs impôts ne pourront rien réclamer.

16.- Dans la ville seuls les espaces fermés à caractère individuel ou familial seront autorisés. Le cloisonnement de certains bâtiments ou de groupes de bâtiments, d’équipements publics ou de parties entières de la ville, sera strictement interdite. Les espaces à caractère exclusif clôturés au moyen de barrières réelles (comme les country ou les villes privées) ou virtuelles (bidonvilles contrôlés par les mafias) seront systématiquement combattus.

17.- L’argent qui entre en jeu dans la construction doit être entièrement légal. Le blanchiment d’argent dans la promotion immobilière sera proscrit et s’inscrira dans le cadre de la lutte contre l’illégalité et la corruption.

18.- Les citoyens ont le droit de ne pas être satisfaits de la structure et de l’organisation de leurs villes, et d’en souhaiter la rénovation ou la reconstruction.
Mais il est nécessaire d’agir dans l’intérêt de la population et non des professionnels de l’immobilier.

19.- L’accès au logement et aux équipements publics doit être garanti à tous les habitants de la cité. Puisque la main invisible des intérêts immobiliers a été incapable de résoudre les problèmes de logement, il faut mettre en place des politiques publiques capables de s’y atteler.

20.- Pour être belle, la ville doit d’abord être confortable, juste, riche, socialement équilibrée et politiquement démocratique. Si ces conditions sont remplies, la société résoudra d’elle-même les problèmes de forme, en mettant à leur service les architectes et les autres techniciens.

21.- La planification urbaine est nécessaire. Le temps est révolu où le plan était l’ennemi à abattre. Il s’agit d’un instrument indispensable pour rationaliser l’aménagement du territoire et l’organisation de la ville. Il ne peut être soumis aux intérêts immobiliers, mais doit faire l’objet d’un contrôle public, au moyen d’instruments publics de gestion.
La planification doit permettre d’identifier les buts et des objectifs futurs, qui doivent contribuer à la construction du présent.

22.- L’enfer et le paradis sont sur Terre. Si règnent la liberté, l’égalité, le bien-être et la solidarité, les villes sont le paradis sur Terre. Mais elles peuvent devenir un enfer si on laisse se propager l’exclusion, la pauvreté, la violence, la surveillance et l’oppression. Cela dépend de nos gouvernants, des normes sociales que nous sauront élaborer et respecter, et de nous-mêmes.

23.- Le même espace physique peut être théâtre de liberté ou de coercition.

24.- Il convient d’étudier le rapport entre forme et fonction et entre forme et vie sociale.

25.- Il faut respecter au maximum ce qui a été accumulé au fil du temps. Les vestiges, de plus en plus rares, du patrimoine historique construit, doivent absolument être conservés ; et ce malgré les intérêts des entreprises immobilières (et de nombreux architectes) favorables à la construction nouvelle. Souvent, ce ne sont pas les besoins de la population, mais bien la logique de promotion immobilière qui entraîne la destruction de bâtiments pour en construire de nouveaux.

26.- Les constructions nouvelles devraient d’abord être érigées sur des espaces vierges, où les architectes puissent laisser libre cours à leurs savoirs et à leur imagination pour nous proposer des formes nouvelles et meilleures que celles du passé.

27.- Le gouvernement municipal a besoin de règles juridiques claires, appliquées avec volonté, et d’une autorité capable de les faire respecter. En somme, il faut une administration publique efficace.

28.- Le caractère plus ou moins progressiste de la législation se traduit dans la capacité à récupérer les plus-values générées par la planification, ainsi que dans l’investissement dans des équipements sociaux, et dans le rôle laissé à la participation citoyenne dans l’élaboration, la gestion et le contrôle de l’urbanisme.

29.- L’urbanisme est un processus complexe. L’administration publique doit négocier avec les différents agents urbains, qui défendent chacun leurs propres intérêts, et arbitrer conflits et différends, au bénéfice de tous les citoyens. Pour mener à bien cette négociation et cet arbitrage, l’administration doit être en position de force et pouvoir s’appuyer sur une législation suffisante pour défendre le bien commun.

30.- L’augmentation incontrôlée de la consommation d’énergie et de biens matériels a abouti dans nos sociétés opulentes à un gaspillage parfaitement inacceptable. Il faut y mettre un terme. Cela passe par une réduction du transport privé au profit des transports en commun, et une réduction dans l’usage de la climatisation. Le gaspillage est tout aussi condamnable lorsqu’il s’agit de la construction de la ville. Il est donc nécessaire de favoriser la ville compacte, et de contenir la possession de logements à but spéculatif.

31.- L’existence d’un espace public protégé par une législation et une administration publique est une tradition urbaine qu’il est nécessaire de défendre. Les architectes doivent contribuer à concevoir des espaces publics favorisant les relations sociales, la rencontre et l’urbanité.

32.- Il ne faut pas non plus oublier que l’espace public appartient à tous, et que tous nous devons contribuer à sa défense.

33.- L’augmentation incessante de la demande en service publics (éducation, services d’aide à la personne, etc.) est un phénomène positif. Mais elle a un coût, qui exige non seulement des ressources publiques mais également des comportements coopératifs et solidaires.

34.- Nous avons besoin d’utopies et de débats sur des formes alternatives d’organisation urbaine. Le débat est essentiel, même avec les mouvements anti-système. L’humanité a avancé à travers ses dissidences.

[Fin]- La ville peut résister et survivre. Résister aux spéculations, aux fourberies, aux égoïsmes, à la corruption ou l’incompétence des politiques, à l’arrogance et à la suffisance des techniciens, qui se considèrent les seuls détenteurs de la science et du savoir. Il faut pour cela mener une politique dans le sens large du terme, et s’assurer que l’ordre juridique démocratique, la législation urbanistique et les organes de gestion s’emploient à défendre l’intérêt public.

Mais il faut aussi un engagement social et une action déterminée de la part des citoyens.

Coda. Ce manifeste pourra être perfectionné avec les diverses propositions d’autres citoyens intéressés, après le débat correspondant.

 

©Copyright: Horacio Capel, 2004
©Copyright: Biblio3W, 2004
 

Repère bibliographique

CAPEL, H. El futuro de las ciudades. Una propuesta de manifesto. Biblio 3W, Revista Bibliográfica de Geografía y Ciencias Sociales, Universidad de Barcelona, Vol. IX, n° 551, 10 de diciembre de 2004.  [http://www.ub.es/geocrit/b3w-551.htm].[ISSN 1138-9796]. 


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